15 de agosto de 2013

Ce que nous avions en face

"Les mouvements de caméra sont toujours difficiles pour moi mais, à cette époque, je raisonnais ainsi : quand nous attendons longtemps quelqu'un qui arrive de loin, nous ne cessons de le regarder. Nous attendons qu'il arrive car il n'est pas un passant ordinaire, il est si important pour nous que nous fixons notre regard sur lui et nous ne découpons pas le plan. Les découpages étranges, dont je ne comprends pas le but, n'ont jamais été à mon goût, comme ces découpages à huit ou dix plans qui ne laissent pas voir la scène. Parfois, la réalité même nous dit qu'il ne faut pas découper le film, et que pour s'approcher des gens, il ne faut pas nécessairement rapprocher la caméra. Il faut attendre, se donner du temps pour bien voir les choses et les découvrir. Parfois, le gros plan ne signifie pas être tout près; au contraire, il engendre l'éloignement. Je voyais que toutes les règles que nous avions apprises dans les livres ne marchaient pas en pratique avec ce que nous avions en face."

Abbas Kiarostami (Abbas Kiarostami, Alain Bergala, ed. Cahiers du Cinéma)